GENERALITES

– – – – – – – – – – – – Présentation et résumé

– – – – – – – – – – – – Pertinence de la recherche

– – – – – – – – – – – – Témoignages académiques

– – – – – – – – – – – – Table des matières détaillée

– – – – – – – – – – – – Fichier PDF de la recherche


RECHERCHE

– – – – – – – – – – – – Introduction et interrogations

– – – – – – – – – – – – Cadre théorico-méthodologique

– – – – – – – – – – – – Terrain : les récits de voyageurs

– – – – – – – – – – – – Interprétation et analyse des récits

– – – – – – – – – – – – Conclusion / Appendices / Biblio.


DIVERS

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– – – – – – – – – – – – Quelques photos de voyageurs



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L'étude d'un phénomène en communication (EB)



Comment étudier un phénomène en communication ?

[Think out of the box]

Sujet de débat : « L’étude de phénomènes en communication nécessite souvent une approche multidisciplinaire. Dans quelle mesure le mélange de « paradigmes » provenant de plusieurs disciplines et reposant sur des épistémologies différentes ou même divergentes est-il possible et valable ? »

Un regard enveloppant :
Tout chercheur qui veut étudier un phénomène complexe en communication doit se poser la question suivante avant d’initier son travail : Vais-je l’étudier à partir d’une pensée complexe ou à partir d’une pensée simplifiée ? A mes yeux, l'étude de phénomènes en communication nécessite de dépasser le cloisonnement du savoir. Cette disposition de l’esprit exige du chercheur une aptitude à concilier différents points de vue sur le même objet d’étude, à considérer des approches complémentaires issues de disciplines diverses, à se confronter et à dépasser les contradictions. Dans les mots d’Edgar Morin, « le problème de la pensée complexe est dès lors de penser ensemble, sans incohérence, deux idées pourtant contraires » [1]. De là, le chercheur peut être amené à revoir ses présupposés initiaux. Ainsi, pour l’étude d’un même phénomène, il convient d’affronter sa complexité et de l’appréhender globalement, de reconnaître, avec humilité, l’ambiguïté, l’inconnu et la contradiction, d’admettre que les réponses apportées sont limitées et à jamais incertaines. Dans ce même sens, il est essentiel de mener une réflexion rigoureuse mais non rigide afin de ne pas occulter la complexité du phénomène étudié et pour gagner en cohérence.
Devant ce sujet de débat, considérant que l’étude de phénomènes en communication nécessite souvent une approche multidisciplinaire, je tenterai de justifier, dans un premier temps, pourquoi, selon moi, le mélange de « paradigmes » (provenant de plusieurs disciplines et reposant sur des épistémologies différentes ou même divergentes) est possible et, dans un deuxième temps, dans quelle mesure il peut être « valable ».

Ce mélange est possible, peut être utile et enrichissant :
Selon Basarab Nicolescu, « la pluridisciplinarité concerne l’étude d’un objet d’une seule et même discipline par plusieurs disciplines à la fois. […]. L’objet sortira ainsi enrichi du croisement de plusieurs disciplines. La connaissance de l’objet dans sa propre discipline est approfondie par un apport pluridisciplinaire fécond. La recherche pluridisciplinaire apporte un plus à la discipline en question […], mais ce "plus" est au service exclusif de cette même discipline. Autrement dit, la démarche pluridisciplinaire déborde les disciplines mais sa finalité reste inscrite dans le cadre de la recherche disciplinaire » [2]. Dans ce sens, une approche multidisciplinaire pour un même objet d’étude en communication m’apparaît nécessaire et bénéfique dans la mesure où une démarche diversifiée, en termes d’approches et de méthodologies disciplinaires, permet une plus vaste compréhension du phénomène communicationnel. Cette effervescence sur un même objet d’étude suscite des confrontations, des critiques entre disciplines et au sein même de la discipline de la communication. Par la suite, un chercheur en communication peut reprendre ces diverses théories, les analyser et les interpréter et de la sorte contribuer à une nouvelle avancée. Ainsi, l’étude du langage notamment intègre les apports de différentes disciplines telles que la physique, les mathématiques, la sociologie, la psychologie, la linguistique ou la biologie moléculaire. Par exemple, la théorie mathématique de la communication de Shannon et Weaver, respectivement mathématicien et psychologue, constitue une sorte de point de ralliement pour ces champs disciplinaires. Par ailleurs, le paradigme de l’autopoïèse, issu de la biologie (Maturana et Varela), fut appliqué par Niklas Luhmann à la sociologie. Par cette application, la théorie de Luhmann va à l'encontre de tout ce que l'on a pu supposer jusque là et permet, sous un angle spécifique, de mieux comprendre comment se constituent et évoluent les systèmes sociaux. Néanmoins, cette nouvelle perception de la société moderne est critiquée par divers philosophes et sociologues. Dans cette perspective, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d’appliquer le concept d’autopoïèse à la sociologie.
Souvent, dans l’étude des phénomènes complexes en communication, plusieurs épistémologies divergent, se confrontent, apparaissent contradictoires voire inconciliables ; il en va de même pour les paradigmes issus de diverses disciplines ; d’où l'amplification des possibilités de confusions. Ainsi, après avoir défini les termes ‘paradigme’ et ‘épistémologie’, je présenterai, de façon toute personnelle, comment j’envisage d’aborder l’étude d’un phénomène en communication dans le cadre d’une approche multidisciplinaire. Un paradigme est une « conception théorique dominante ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique donnée » [3]. Une épistémologie est une « partie de la philosophie qui a pour objet l'étude critique des postulats, conclusions et méthodes d'une science particulière, considérée du point de vue de son évolution, afin d'en déterminer l'origine logique, la valeur et la portée scientifique et philosophique » [4]. Dans la perspective d’aborder l’étude d’un phénomène en communication et de mener à bien une recherche, il est, selon moi, primordial et préalable de choisir un encrage épistémologique, soit la ligne de conduite qui correspond le mieux au regard que le chercheur porte sur le monde. Ce dernier, après avoir approfondi les divers fondements épistémologiques qui influencent les études en communication, peut opter, par exemple, pour celui de la phénoménologie ou du constructivisme. Puis, il convient d’admettre nécessairement et intentionnellement un ou plusieurs énoncés de bases. En d’autres termes, après avoir reconnu et exploré rigoureusement les divers paradigmes issus de plusieurs disciplines et qui se sont succédés dans l’étude (de près ou de loin) du phénomène observé, il m’apparaît essentiel de considérer un ou plusieurs postulats ou hypothèses de départ, a priori complémentaires et non contradictoires, qui coïncident avec les premières intuitions et motivations du chercheur. Dans ce sens, je ne pense pas qu’il soit indispensable, ni même préférable, de suivre la conception théorique dominante ayant cours au moment où le chercheur décide de commencer son étude. Autrement dit, puisque le choix d’un paradigme implique la négligence intentionnelle d’autres conceptions théoriques (qui pourraient s’avérer tout aussi pertinentes voire plus), je ne crois pas qu’il soit nécessaire de fonder l’étude sur le paradigme qui jusque là guide la pensée scientifique. Ainsi, plutôt que de considérer un paradigme simplifié et réducteur, le chercheur peut choisir d’orienter ouvertement son étude selon ce qu’Edgar Morin nomme le ‘paradigme de la complexité’. Le choix de ce paradigme de référence n’a pas pour finalité de simplifier l’étude ou de faciliter le cheminement dans la mesure où comme l’évoque Morin, la complexité n’est pas le mot ‘solution’, mais le mot ‘problème’ [5]. En se détournant donc du cadre conceptuel préétabli, par le mélange préalable des paradigmes, par l’identification et l’exploration des problèmes, l’étude du phénomène peut se révéler plus fouillée et plus créative. Cette approche audacieuse et ambitieuse favorise, à mes yeux, l’émergence de changements radicaux et d’ordre morphogénétique. De là, en réponse aux problèmes soulevés, des perspectives de solution peuvent se dessiner.

Considérant que l’étude d’un phénomène en communication nécessite souvent une approche multidisciplinaire, dans quelle mesure le mélange de ‘paradigmes’ provenant de plusieurs disciplines et reposant sur des épistémologies différentes ou même divergentes est-il ‘valable’ ?
Cette question, m’amène à m’interroger sur le caractère ‘valable’ de l’étude de phénomènes en communication, qui relève des sciences humaines ou sociales. Autrement dit, est-ce que cette étude « remplit les conditions requises pour être accepté par une autorité » ? [6].
Dans les sciences humaines ou sociales, les affrontements de doctrines sont courants et émergent de la diversité des cadres théoriques d’interprétation. Dans ce sens, les théories qui reposent sur l’étude des faits humains sont sujettes à plusieurs interprétations et il est du ressort de la méthode scientifique utilisée de décider si elles sont valables ou non. Cette dernière mission ne semble pas aisée. Alors que l’expérimentation permet de juger de la pertinence d’une théorie issue des sciences de la nature (par falsification ou confirmation), il apparaît bien plus délicat de l’appliquer à des disciplines interprétatives. Dans les sciences humaines et sociales, les théories peuvent se multiplier et se contredire, sans pour autant qu’une seule ne parvienne à englober le savoir précédent et à congédier une autre théorie. Un même phénomène en communication peut être étudié et interprété de différentes manières, par différentes disciplines. Chaque interprétation de chaque discipline, selon une lecture spécifique, peut être pertinente et aider à la compréhension subjective de l’objet étudié. Toutefois, cette pertinence est, selon moi, à relativiser afin d’éviter de trop grands conflits d’interprétation. Dans ce même sens, j’estime que, pour l’étude d’un phénomène en communication et plus largement l’étude de phénomènes humains complexes, le mélange des « paradigmes » (tel que développé dans le sujet de ce débat) est valable mais nécessite d’être entreprit avec précaution. Il convient selon moi de toujours nuancer les points de vue, de tenir compte de l’intentionnalité de chaque approche et enfin de se résoudre au fait qu’il n’est pas possible (malheureusement parfois et heureusement très souvent) de prédire avec assurance les comportements des êtres humains dans la mesure où chacun et chacune de nous dispose d’une conscience au demeurant libre.

Bibliographie :

[1] . Edgar Morin, La Méthode. I - La nature de la nature, Le Seuil, 1977, page 379.
[2] . Basarab Nicolescu, La transdisciplinarité, Manifeste, Éditions du Rocher, Monaco, 1996.
[3] . Le trésor de la langue française informatisée : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.
[4] . Le trésor de la langue française informatisée : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.
[5] . Edgar Morin, Journal de Californie, 1970.
[6] . Le trésor de la langue française informatisée : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.

EB. 2007-12-21.